Episode 7. « Derrière la vitrine ». L’ Abandon !

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Je suis un peu angoissé… Encore quelques pages et elle m’aura fini. Que va-t-il se passer après ? C’est bête, je le sais, mais je n’y avais jamais pensé. Pour moi, c’était un truc qui durerait toute la vie. Amour, toujours, tendresse, caresse ! Maintenant je commence à soupçonner que, pour un livre, c’est plus dur, plutôt : « No future ! ».
 
Que deviennent les livres quand on les a lus ou qu’on ne les aime plus ? Je sais bien qu’elle ne va pas me garder près d’elle. Elle a déjà promis de me prêter à trois personnes. En même temps ? Une sorte de partouze littéraire ?  Ou l’un après l’autre ? Je ne sais pas et je m’inquiète. Quand vais-je la revoir, dans quel état vais-je me retrouver, quelle bibliothèque et dans quelle étagère (ah, ah) ? 

Ça y est, c’est fini, elle m’a terminé. Elle a refermé ma couverture avec un grand sourire et un profond soupir de satisfaction. Ne serait-ce pas ça l’orgasme ? 

Maintenant mes phrases sont dans les mains du destin. Va-t-il être bon pour moi ? Mystère et boule de gomme. En attendant, elle m’a rangé amoureusement dans sa bibliothèque personnelle. Entre Nerval et Montherlant. D’abord j’ai débordé d’orgueil, puis je me suis rendu compte que ce n’était dû qu’au hasard de l’alphabet. Enfin, quoi qu’il en soit, leurs conversations sont passionnantes. Et je crois qu’ils m’aiment bien. Mieux, ils m’ont lu et me respectent. « Pour un thriller, c’est plutôt pas mal » a fini par lâcher Montherlant. « Il n’y a pas de quoi se pendre, mais c’est de la belle ouvrage » a rajouté Nerval.

Une semaine s’est écoulée et déjà elle me manque. Quand je dis « elle », je ne parle pas de ma lectrice, mais de la sensation d’être caressé par ses yeux. Je suis devenu pire que mon auteur : je veux être lu, ne pas resté ainsi muet dans la verticalité poussiéreuse d’une bibliothèque. C’est là que mon infirmité se révèle la plus cruelle. Dénué de pattes, je ne peux pas faire comme les chiens et les chats, des grâces et des ronrons pour être pris dans les bras. Nous, les livres, on « reste » à la merci de l’oubli ou pire, d’un enfant illettré à qui viendrait l’envie de nous arracher les pages en riant.
A suivre…